L’engouement pour la mobilité toute électrique, laisse songeur. Seul le patron de PSA, M. Carlos Tavares, a clairement exprimé ses doutes. Dommage que ses arguments n’aient pas été repris pour permettre une réflexion plus complète sur  le sujet de la mobilité de demain. Cela serait être l’occasion d’ouvrir des voies intéressantes, et de responsabiliser tous les acteurs sociaux économiques.
La solution d’avenir en matière de transport et de mobilité est plurielle et basée sur une connaissance complète du cycle « amont-aval » pour réduire dans la durée, les émissions de carbone et de gaz à effet de serre. C’est aussi une occasion de redéfinir l’espace et les  interactions sur le territoire.
La mobilité toute électrique conforte  le nucléaire pour longtemps
Peu de personnes ont la curiosité de chercher à comprendre ce qui permet d’avoir à toute heure du jour et de la nuit en toute saison, de l’électricité en appuyant sur un interrupteur, en branchant un appareil, un smartphone ou …une voiture électrique ou une batterie. L’électricité est devenue un élément vital comme l’air et l’eau. Ce n’est pour autant pas un élément naturel.
Cette disponibilité et cette fiabilité reposent sur un système industriel complexe.  Le paradoxe est que plus on multiplie les besoins et les nouveaux usages en matière de branchements pour recharger des batteries et plus il sera nécessaire d’avoir un outil de production et des réseaux capables d’assurer la réponse immédiate à une demande concentrée à une certains moments de la journée, et en toute saison. Brancher une voiture électrique, ou une batterie de vélo pour la recharger c’est faire appel immédiatement à un système industriel lourd…..
La réponse à cette demande assez concentrée sur les mêmes périodes de la journée, est apportée aujourd’hui par une combinaison de moyens de production d’électricité dont la base est assurée par les centrales nucléaires. Sans oublier  les réseaux de transport qui desservent tout le territoire et prendront le relais des moyens de production locaux pour assurer la continuité d’alimentation. Ils permettent aussi les échanges import/export d’électricité sur la plaque européenne.
Aussi longtemps que les solutions de stockage d’électricité ne seront pas au point, seul ce système industriel peut garantir une alimentation en continu en tout point du territoire, en toute saison et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit..
Préparer la mobilité de demain, c’est développer des solutions plurielles adaptées aux usages, aux contextes géographiquesÂ
Dans l’avis du CESE sur le projet de loi transition énergétique (juillet 2013. http://www.lecese.fr/content/preconisations-du-cese-sur-le-projet-de-loi-de-programmation-pour-la-transition-energetique  ), concernant le secteur du transport la recommandation était d’aller vers  « une diversité de solutions … en fonction des usages et de leur localisation, un bilan complet (coût, émissions de carbone, retraitement ….) devant être établi pour chaque mode de transport. »
Selon le type de trajet, les solutions diffèrent. Les véhicules hybrides existent depuis longtemps. Leur bilan consommation/émissions est intéressant. Ils répondent aux besoins pour les voyages longue distance et pour les utilisations massives en urbain (taxis…).
Les gaz carburant (Gaz Naturel Véhicule) a fait ses preuves pour les véhicules urbains (bus, bennes à ordure, transport routier…). De nombreux projets de méthanisation émergent sur tout le territoire. Le biométhane carburant est l’un des produits de sortie possible de ces projets.
La solution électrique est adaptée à l’urbain et péri-urbain. Les travaux en matière de batterie devraient apporter des réponses à plusieurs questions  (durée de vie, rapidité de recharge, traitement déchets, ressources en lithium et en cobalt dans le monde https://www.bloomberg.com/gadfly/articles/2017-09-28/cobalt-s-chemistry-experiment …).
Il convient de clarifier le bilan environnemental et économique de chaque solution pour éclairer les choix et permettre aussi le développement de filières de production pertinentes dans la durée. Alors une politique en matière de transition écologique du secteur du transport pourra émerger dans une cohérence des orientations industrielles en matière d’énergie, de filière automobile, et des réglementations et de la fiscalité.
Enfin de nouveaux comportements et une autre relation à la voiture contribuent à cette évolution en profondeur du secteur de la mobilité. Le co-voiturage, le libre-service des vélos et des voitures connaissant un réel succès. Ils sont facilités est rendus possible grâce aux applications numériques. Ces solutions marient économie et convivialité. Les grands opérateurs de transport les intègrent dans leurs offres.
Réorganiser l’espace et les territoiresÂ
Il ne suffit pas que des îlots urbains prennent des décisions isolées pour obtenir une réelle baisse des émissions de carbone à la maille d’un pays (et de l’Europe ..). Les initiatives comme celles prises à Paris sont un contre-exemple. La capitale pourrait être exemplaire pour porter une réflexion de fond à partir de deux questions :
- comment déconcentrer/décentraliser les lieux de pouvoir en France ? et en tirer les axes de travail pour les investissement autoroutiers/ferroviaires/voies navigables/aérien ….
- comment développer des transports en commun fiables, évolutifs et sécurisés ? avec une coordination avec les actions en matière de logements en Ile de France.
Le développement des lignes TGV rapproche les régions entre elles. Il reste beaucoup à faire pour les liaisons transversales. Rien ne sera possible sans un plan de déconcentration ambitieux et volontaire de tous les pouvoirs. Et si on se prenait à rêver que les maires des villes grandes et moyennes, et les présidents de région arrivent à pense « global » et pas seulement local…. ?
Cela induirait un vrai projet, susceptible de permettre une utilisation pertinente et cohérente des investissements publics (privés ?) dans la durée et qui sait, la création d’activité et d’emplois.
Mobilisation de tous : consommateurs, constructeurs, chercheurs … coordination et cohérence.
La France a acquis son indépendance en matière d’énergie conformément aux objectifs fixés après les chocs pétroliers des années 73-79 grâce à une anticipation visionnaire des hommes d’Etat d’alors et une implication des chercheurs, des ingénieurs, des pouvoirs publics et des syndicats.  Elle n’a pas su transformer cette situation au fil des années pour anticiper la transition écologique avec réalisme et pertinence.
Ce projet de transition écologique est une opportunité qui concerne et implique tous les secteurs d’activité. Il s’agit de transformer les modes de production et de consommation, de revoir les pratiques et les modes opératoires, d’alléger en profondeur les réglementations et les administrations, et de favoriser la responsabilisation et les résultats dans la durée. Un projet cadencé dans le temps, avec des points d’étape, des mesures et des contrôles pour vérifier la pertinence des mesures mises en oeuvre. Bref faut bouger !
La mobilité commence dans ma tête……et aussi dans la tienne …
Il faut rappeler les deux objectifs principaux de la mobilité électrique :
– diminuer la production de gaz à effet de serre (lutte contre le réchauffement climatique)
– diminuer les émissions de polluants atmosphériques (politique de santé publique dans les villes et les grands espaces urbanisés).
Le premier objectif explique les politiques publiques nationales et internationales, visant au transfert de la mobilité carbonée vers la mobilité non carbonée.
Le deuxième objectif de santé publique explique les initiatives des villes, même si d’autres objectifs sont visés dans le même temps, en particulier la réduction de l’espace occupé par la voiture dans les agglomérations (qu’elles soient électriques ou non).
Les deux objectifs convergent et se complètent à toutes les échelles, mais :
– Le premier n’est pertinent que si la production d’électricité est décarbonée comme c’est le cas en Norvège ou la quasi totalité de la production est hydraulique, ce qui justifie les politiques publiques de ce pays favorisant la mobilité électrique.
– Le second n’est pertinent que si les collectivités mettent en place des systèmes alternatifs (transports en commun, moyens de transports doux) pour ne pas limiter la mobilité des citoyens.
C’est donc bien à la mutation profonde du système amont de production/stockage/transport d’électricité qu’il faut s’attacher dans toute l’Europe, ainsi qu’à une mutation des modes de déplacements en milieu urbain et en milieu rural. Les recherches et les expérimentations menées sur l’impact des véhicules autonomes et de la mobilité automobile partagée montrent que l’on peut diminuer le nombre de véhicules dans de très fortes proportions dans les zones urbaines.
En aval, il faut rappeler que les constructeurs automobiles testent des batteries à charges rapides de 10′ dont l’autonomie atteindrait 500 km, tout en veillant au recyclage des batteries, ce qui permettrait la diffusion de la mobilité électrique bien au-delà des zones urbaines.
La mobilité électrique n’est pertinente que si tous ces critères sont respectés.