Le baromètre du climat interne dans plusieurs entreprises montre une plus grande prise conscience de la nécessité de changer, voire une certaine attente de voir ce changement se mettre en mouvement. Au-delà des entreprises, les fortes secousses de ces derniers mois (attentats, flux de réfugiés, maladie chronique de l’économie française, changement de références aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne …) ont provoqué une certaine déstabilisation qui concerne tout le monde. Allant de la peur (mais « la peur n’évite pas le danger ») à l’espoir d’arriver à sortir rapidement de cet enlisement collectif dans lequel nous nous enfonçons …sans avoir encore touché le fond pour donner une impulsion et remonter à la surface.
La peur du changement serait-elle devenue moins forte que dans les années 2000 ?
L’horloge du changement est à l’extérieur
Fini le temps où une personne providentielle décidait du haut de son statut et dans le secret de son bureau, des réorganisations ou des évolutions à engager selon son bon plaisir. Aujourd’hui le tempo est ailleurs. Internet, les réseaux sociaux ont ouvert les frontières et accéléré formidablement le rythme. Pour les entreprises aussi. Les plus anciennes ont eu plus de mal à intégrer cette réalité. Leurs dirigeants restés à des pratiques archaïques avec le temps, sont remplacés par cette génération née avec un martphone dans leur berceau. Certaines ont pris le virage très tardivement et ont du mal à prendre la bonne vitesse. D’autres ont révolutionné leurs pratiques ….car c’est pour elles, une question de vie ou de mort.
Quitter les organisations hiérarchiques verticales pour aller vers des organisations en réseau
L’arrivée d’internet et des réseaux sociaux dans le quotidien, percute la gestion de l’information dans l’entreprise. Fini le pouvoir exercé par la détention de l’information. Celle-ci est partout, dans le monde entier en temps réel ou quasiment. Les frontières géographiques et les fuseaux horaires ne sont plus des obstacles à la circulation de l’information. La question n’est donc plus d’y avoir accès. Elle est de fait disponible. Il s’agit d’un état d’esprit, d’un fonctionnement qui assurent la transparence dans l’entreprise et qui offrent des espaces d’échange et de partage du sens.
Parler, expliquer, convaincre …plus que jamais la communication est une compétence indispensable pour un dirigeant. Un talent.  Tout aussi important que la gestion des ressources financières et le choix des compétences. Communication certes « virtuelle » mais surtout et d’abord, communication relationnelle. Etre sur le terrain, est une priorité pour un dirigeant.
Le cerveau humain plus fort que l’intelligence artificielle ..?
De nombreux auteurs de science fiction ont imaginé un monde dans lequel l’intelligence artificielle prenait le pouvoir sur l’homme. Des articles de presse récents ont développé l’idée que cela n’était plus de la science fiction et que c’était dans l’ordre du possible. Choc ! Comment imaginer et accepter l’idée que le cerveau de l’homme devienne l’esclave de la machine.
Je me dis parfois que c’est possible à force de voir toutes ces personnes dont le smartphone est comme greffé à  leur main. Etat de dépendance. Elles ne sont plus que dans le présent, dans l’immédiat. Déconnectées du temps de l’humanité et de leur temps d’humain sur terre. Certaines ont récemment témoigné de leur démarche pour arriver à se sevrer d’internet et des outils associés. Ils ont expliqué après la phase de manque, leur découverte de leur environnement réel, du plaisir de lire, de prendre le temps de vivre etc ….
C’est justement cette « alimentation » de notre cerveau, par une relation au temps autre que l’immédiateté, par la capacité à rêver, à imaginer qui créent la supériorité de l’humain sur la machine.
Anticiper grâce aux évolutions technologiques pour évoluer en continu
La curiosité pour ces nouvelles technologies permet d’anticiper et d’imaginer les impacts pour l’entreprise. C’est l’innovation, la recherche. Ainsi toutes les entreprises devraient aujourd’hui analyser les possibilités offertes par exemple par la fabrication additive ou impression 3D, et équiper plusieurs équipes de ces machines devenues accessibles, pour susciter des idées et solliciter l’imagination dans les métiers.
C’est aussi un enjeu en matière de ressources humaines très important pour créer une interaction entre les jeunes qui sont en « prise naturelle » avec ces technologies et ceux qui connaissent le métier pour le pratiquer depuis plusieurs années. Enrichissement mutuel qui crée du lien, de la solidarité entre les générations.
Se déployer dans les réseaux sociaux en interne aussiÂ
Nous avions mis en place en 2009 dans l’entreprise dont j’étais responsable, un réseau social qui n’était pas animé par le haut. Nous avions ressenti l’urgence de créer des communautés de métier – notamment dans les activités liées à la sécurité du réseau de gaz naturel- pour favoriser le partage des informations, des pratiques sur tout le territoire sans attendre l’écoulement vertical et erratique le long de la ligne managériale, de l’information.
Je me souviens bien de la peur de certains managers de se voir dépassés par ces réseaux. Le gain en matière de sécurité a été le meilleur argument pour apprivoiser ce nouveau mode de fonctionnement. Cela dit, la compétence des chefs d’équipe et la qualité de leur relation avec leur équipe est la condition sine qua non. Cela nous a amenés notamment à revoir l’organisation de leur travail, car au fil des années ces managers de proximité étaient absorbés par des tâches administratives multiples au détriment de leur présence dans leur équipe, pour parler métier. Une transformation de longue haleine s’est engagée.
Aujourd’hui je constate que beaucoup de salariés sont sur les réseaux sociaux. Qu’en interne, ce mode de relation est complètement intégré. Pour tant cela ne suffit pas à assurer le développement fiable des activités pour après-demain. Le travail sur les métiers et sur les compétences est la condition sine qua non d’un développement collectif harmonieux et pertinent dans la durée. Parler de « passeport numérique » est sympathique…mais insuffisant. Mais cela fait ringard de parler de « passeport sécurité ». Je sais. ….et pourtant un gazier est d’abord un homme de sécurité.
Faire la pari de la curiosité et du professionnalismeÂ
Sortir des modes de fonctionnement habituels, des relations convenues  au profit de relations centrées sur la personne, sur son rôle, sa responsabilisation.  Arrêter la mangue de bois et le politiquement correct. Partager les analyses et les retour d’expérience sur les situations rencontrées. Eclairer le fonctionnement des systèmes, leurs interactions, les impacts sur les collectifs concernés par le changement. Parler en confiance.
L’individu est au centre de chaque collectif. C’est lui qui agit. Sa curiosité et sa capacité à bouger, initie le mouvement.
Le changement c’est toi, c’est moi, c’est nous.