Rien n’est plus difficile que de mettre un terme à une spirale négative, surtout lorsqu’elle se traduit par une série d’accidents qui s’enchaînent les uns après les autres, et de plus en plus graves.

La situation de la SNCF est à ce titre très problématique.  Se pose la question des causes réelles de ces événements catastrophiques qui s’enchainement depuis plusieurs années. « Couper la tête du Président », est la solution évoquée par les médias. C’est peut-être l’une des conclusions auxquelles l’actionnaire arrivera, mais aujourd’hui ce n’est pas la bonne réponse.

Ce dirigeant ne peut plus louvoyer avec la remise en question en profondeur de son sytème managérial.

Il n’y a pas de hasard

Pour avoir été confrontée à cette même situation, avec un enchaînement d’accidents de plus en plus graves, avec des blessés et des morts….je me souviens très bien de la pression justifiée qui s’abat sur le dirigeant sommé à juste titre, par l’opinion publique, les médias, la justice et les pouvoirs politiques d’arrêter cette épidémie mortifère.

Je me souviens très bien de la réflexion d’un de mes adjoints qui après un terrible accident survenu à Lyon en février 2007, me dit « que ferons-nous au prochain accident? ». Et de la colère qui m’a envahie alors : « il n’y aura pas de prochain accident !… car il n’y a pas de fatalité ».

Le premier danger vient de ces responsables qui s’enferment dans l’aveuglement de la fatalité. Il n’y a pas de hasard dans la loi des séries. Le premier réflexe est de se séparer de ce genre d’individus, irresponsables.

Dire stop aux carabistouilles

A ce moment là, il s’agit de s’attaquer aux problèmes de fond non traités depuis plusieurs dizaines d’années. Ce sont des impasses sur des opérations de maintenance, ce sont des petites économies pour boucler un budget, sur des formations ou des recrutements etc… Des reports de dépenses de renouvellement d’ouvrages, d’outils, ou de rénovation ….toutes ces carabistouilles qui sont devenues une pratique collective au fil du temps.

La pression financière qui est une réalité quotidienne, est souvent évoquée comme responsable de cette situation. C’est vrai et pas vrai. Les dirigeants ont la responsabilité de faire des arbitrages compatibles avec leurs missions en matière de sécurité …quitte à remettre en question des pratiques et des modes de fonctionnement. Ils peuvent être amené à « dire non » à des directives voire des « oukases » incompatibles avec la conviction d’un dirigeant responsable.

S’engage alors une remise en question en profondeur au sein de l’entreprise qui ne peut aboutir qu’en recréant une relation de confiance entre le management et les équipes, entre les différents niveaux de management liés dans la durée par l’obsession de la sécurité.

Retisser la toile de fond  autour de la sécurité comme écosystème de l’entreprise 

Pour que l’entreprise « respire » la sécurité en interne dans les métiers, dans le management, dans le processus de gestion,  dans les relations entre les différents métiers, et en externe avec les prestataires, avec l’actionnaire, avec les élus et toutes les parties prenantes….le job du dirigeant est d’arriver à impliquer chaque selon son rôle et sa responsabilité dans le système.  Ce n’est pas toujours évident car chaque partie prenante a ses objectifs, ses priorités parfois incompatibles voire contradictoires.

J’ai eu la chance de pouvoir travailler dans cet esprit avec l’ensemble des organismes qui intervenaient alors en matière de sécurité gaz (pouvoirs publics, élus locaux, Sécurité civile, entreprises prestataires …) et en interne avec les salariés et les représentants du personnel, les CE, CHSCT etc …. nous avons décidé de ne plus nous rejeter les responsabilités, de tout mettre en oeuvre pour que chacun puis intervenir avec professionnalisme et selon sa responsabilité.

Conjonction favorable de personnalités fiables et engagées.

Garder un esprit interrogatif et la confiance dans l’humain

Chaque incident/accident est un signal d’alerte pour un dirigeant. A chaque événement, le premier réflexe de l’entourage, est de lui raconter « une histoire pour le rassurer », lui donner l’impression que « tout est sous contrôle ». L’expérience montre qu’une fois l’analyse réelle de l’événement et de ses causes….le déroulement final est très éloigné de « l’histoire anesthésiante » initiale. C’est un phénomène collectif fréquent …contre lequel il faut lutter, pour ne passer à côté des causes réelles qui sont à 99% d’origine humaine.

Sujet difficile. Eviter le procès du « lampiste » pour aller vers les dysfonctionnements qui ont empêché d’identification d’une erreur, d’un problème etc …Aucune procédure, aucune directive, aucune réglementation ne garantit une sécurité et une fiabilité à 100%. Aucun robot, aucune application informatique ou numérique n’apporte de certitude.

La seule référence utile et indispensable à la sûreté /sécurité est l’esprit interrogatif de l’opérateur, sa capacité à interroger, à poser des questions et à en parler à ses collègues et à son manager en confiance. La sécurité repose fondamentalement sur ce principe et sur la  sensibilité individuelle et collective au risque.

La danger  est l’utopie de la surprotection qui efface le risque et donc détruit les réflexes, la curiosité et l’expérience qui sauvent les grands aventuriers.